La crise a un nom : évasion fiscale
Les Panama Papers dévoilaient des agissements illégaux. Les Paradise Papers démontrent que la règle de droit peut faciliter l’évitement de l’impôt, en toute légalité. Si l’essentiel des fuites concernent le monde anglo-saxon, la France n’est pas épargnée.
L’enjeu économique est considérable : selon la Commission européenne, 1 000 milliards d’euros par an sont perdus en raison de l’évasion fiscale. Une étude récente et documentée évalue à 10% du produit intérieur brut mondial les sommes détenues dans les paradis fiscaux. (Le PIB de la France représente, 2,3% du PIB mondial).
Sur le plan national, le montant de l’évasion est évalué au minimum à 50 milliards d’euros par an. Une fourchette haute l’évalue entre 60 et 80 milliards. Ce montant est bien supérieur aux intérêts de la dette, évalués à 41 milliards d’euros.
Des avancées importantes censurées
Du local au global, la question de la qualité de la règle se pose. Anticor considère comme particulièrement regrettable que des dispositions qui représentaient des avancées importantes en matière de lutte contre l’évasion fiscale aient été censurées par le Conseil constitutionnel, par exemple :
• l’obligation pour les intermédiaires financiers de divulguer à l’administration les schémas d’optimisation fiscale ;
• la redéfinition de l’abus de droit pour sanctionner des abus dont l’objet principal est l’évitement de l’impôt ;
• la majoration des taux d’imposition pour les contribuables ayant des activités dans des paradis fiscaux (pays ou territoires non coopératifs);
• l’inversion de la charge de la preuve pour réprimer l’usage abusif des prix de transfert (du transfert par une entreprise vers une autre de fonctions ou de risques à des fins d’évitement de l’impôt) ;
• la faculté pour le Défenseur des droits d’accorder des subsides aux lanceurs d’alerte;
• le reporting public pays par pays (l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux pays par pays) ;
• la création d’un registre public des trusts.
Les mesures à prendre sont connues
Avec la Plate-forme contre les paradis judiciaires et fiscaux, dont Anticor est membre, nous considérons qu’il est primordial de lutter contre les sociétés écrans, contre l’optimisation fiscale agressive des grands groupes, contre la concurrence fiscale déloyale et contre l’impunité en matière fiscale.
Nous regrettons le retard pris dans la mise en œuvre des mesures appropriées. Pourtant, sur le plan national, de nombreuses propositions pertinentes ont été avancées au terme d’un important travail parlementaire :
• 2012 : rapport n° 673 « L’évasion fiscale internationale, et si on arrêtait ? » par la commission d’enquête sénatoriale dont le président était M. Philippe Dominati et le rapporteur M. Eric Bocquet.
• 2013 : rapport n° 1243 de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international, présenté par M. Pierre Alain Muet, rapporteur, et M. Eric Woerth, président de la mission d’information.
• 2013 : rapport n° 1235 de la commission des finances de l’Assemblée nationale relatif au traitement par l’administration fiscale des informations contenues dans la liste HSBC reçue d’un ancien salarié, présenté par le rapporteur général, M. Christian Eckert.
• 2013 : rapport n°1423 de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale : Lutte contre les paradis fiscaux, si l’on passait des paroles aux actes, présenté par MM Alain Bocquet et Nicolas Dupont Aignan.
Si la Déclaration des droits de l’homme prévoit que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable », elle précise que cette dernière « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Henry Morgenthau secrétaire au Trésor sous la présidence de Roosevelt, disait : « Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. Trop de citoyens veulent la civilisation au rabais ».