Affaire Benalla : Anticor traque les menteurs
Suite aux auditions menées sur l’affaire Benalla, Anticor a écrit aux présidents des commissions d’enquête pour leur demander de saisir le parquet des témoignages mensongers entendus.
Pendant les auditions menées par les deux commissions d’enquête sur l’affaire Benalla, Anticor a dénombré au moins six témoignages susceptibles d’être qualifiés de mensongers.
Or, l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose qu’en « cas de faux témoignage […], les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission […]. » L’article 434-13 du code pénal prévoit ainsi que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
C’est pourquoi, Anticor a écrit, le 24 octobre 2018, aux présidents des commissions d’enquête pour leur demander de saisir le parquet de ces faits.
L’association rappelle que, pour avoir menti devant une commission d’enquête du Sénat, le pneumologue Michel Aubier a été condamné à six mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende, le 14 juin 2017, par le tribunal correctionnel de Paris.
Dans le cadre de l’affaire Benalla, Anticor avait également saisi, le 31 juillet 2018, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur la question des manquements aux obligations de déclarations commis par certains collaborateurs du Président de la République.
À l’attention de Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale :
Madame la Présidente,
Vous avez présidé la Commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018.
Dans le cadre des auditions, les déclarations suivantes ont été faites :
1/ Michel Delpuech, préfet de police de Paris, a déclaré, le 23 juillet 2018, devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « Quant aux personnes interpellées, elles ont été conduites dans le centre de la rue de l’Évangile, dans le 18e arrondissement, au nord de Paris. […]. Ces deux personnes ont été présentées au centre de la rue de l’Évangile. Elles avaient déclaré de fausses identités ; elles n’avaient pas de papiers sur elles ».
Or, comme l’a révélé le journal Le Monde dans son édition, du 7 août 2018, dans un article intitulé « Affaire Benalla : le couple de la Contrescarpe n’a pas menti à la police » : « Sur la fiche d’interpellation, M. Creusat évoque un “jet de projectiles (deux bouteilles de bière)”, mais précise que le CRS visé “ne dépose pas plainte” contre le jeune homme de 29 ans, né à Thessalonique, qui décline dès son arrestation ses date de naissance, nom et prénom, reportés à la main par le commissaire (avec deux petites coquilles). L’orthographe est rectifiée le soir même, peu après 22 heures, à “l’Evangile”. Contrairement à ce que de nombreux protagonistes de “l’affaire” et plusieurs médias ont rapporté, le couple n’a jamais dissimulé ni son adresse ni son identité. La jeune femme de 30 ans a présenté ses papiers à Philippe Mizerski, le major en civil chargé d’accompagner Alexandre Benalla au cours de son “observation” : c’est lui qui rédige sa fiche – entièrement renseignée – place de la Contrescarpe, à 20 h 05, comme pour son compagnon. »
Les propos de M. Delpuech sont donc susceptibles d’être qualifiés de faux témoignage.
2/ Patrick Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République, a déclaré, le 24 juillet 2018, devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « La mesure de suspension que j’ai prise était une sanction et en tous cas a été ressenti comme telle par l’intéressé. C’est-dire qu’il lui a été interdit d’être présent dans son service ; quinze jours de traitement sont retirés. »
Or, Patrick Strzoda a annoncé, le 25 juillet 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « M. Benalla a reçu au mois de mai l’intégralité de son traitement, les quinze jours de suspension faisant l’objet d’une retenue sur les droits à congés obtenus au titre de l’année 2017. »
Les propos tenus par M. Strzoda sont donc susceptibles d’être qualifiés de faux témoignage.
Comme vous le savez, l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose qu’en « cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ».
L’article 434-13 du code pénal prévoit ainsi que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
En votre qualité de président de la Commission d’enquête, je vous demande donc de bien vouloir saisir le parquet de ces témoignages mensongers.
Vous en remerciant par avance, je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma respectueuse considération.
Jean-Christophe Picard
Président d’Anticor
À l’attention de Philippe Bas, président de la Commission d’enquête du Sénat :
Monsieur le Président,
Vous présidez la Commission d’enquête sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection de hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements.
Dans le cadre des auditions, les déclarations suivantes ont été faites :
1/ Patrick Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République, a déclaré, le 25 juillet 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « Je précise qu’il [Alexandre Benalla] ne portait jamais d’arme en déplacement public ».
De même, Éric Bio-Farina, commandant militaire de la Présidence de la République, a déclaré, le 12 septembre 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « D’abord, est-ce qu’Alexandre Benalla portait son arme dans le cadre de ses missions à l’extérieur ? Personnellement, moi je ne l’ai jamais vu. »
Or, Éric Bio-Farina a déclaré, le 25 juillet 2018, devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « Commençons par M. Benalla. Je l’ai vu porter une arme, bien sûr, dans le cadre de certaines de ses missions. Je savais qu’une autorisation de port d’arme lui avait été délivrée et donc qu’il portait son arme de manière réglementaire. »
En outre, Alexandre Benalla a affirmé, le 19 septembre 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « Il a pu arriver que j’aie une arme sur moi. C’est possible, cela a pu arriver. […] De la même manière que pour des déplacements publics, il a pu arriver que j’aie une arme sur moi à l’occasion d’un déplacement privé du président. »
Les propos tenus par MM. Strzoda et Bio-Farina sont donc susceptibles d’être qualifiés de faux témoignages.
2/ Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, a déclaré, le 26 juillet 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « Ce qui aurait été particulièrement grave […], c’aurait été qu’il n’y ait pas eu de réaction et pas eu de sanction. C’est pour cela que nous avons insisté pour qu’il y ait une sanction et qu’elle soit rapide. »
Or, Patrick Strzoda, a annoncé, le 25 juillet 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « M. Benalla a reçu au mois de mai l’intégralité de son traitement, les quinze jours de suspension faisant l’objet d’une retenue sur les droits à congés obtenus au titre de l’année 2017. »
Les propos tenus par M. Kholer sont donc susceptibles d’être qualifiés de faux témoignage.
3/ Alexis Kholer a également affirmé, le 26 juillet 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat : « La sécurité du président de la République est toujours assurée par le commandement militaire ou le Groupe de sécurité de la présidence de la République. Ces services sont exclusivement composés de personnels qui relèvent soit de la police soit de la gendarmerie. Alexandre Benalla […] n’avait pas de responsabilités les concernant, il n’était pas pressenti pour occuper un poste de responsabilité concernant ces services. »
Or, Yann Drouet, ancien chef de cabinet du préfet de police, a déclaré, le 19 septembre 2018, devant la Commission d’enquête du Sénat, pour expliquer pourquoi la demande de port d’arme de Benalla avait été validée par le préfet de Police : « On a considéré son action de coordination des services de sécurité de la présidence, on a estimé qu’il exerçait sa mission auprès du président de la République – une des personnalités les plus exposées de France dans un contexte de menace terroriste des plus élevées – et on a considéré que, dans le cadre de ses fonctions, dans le cadre de sa mission, il était manifestement exposé à des risques. »
Les propos tenus par M. Kholer sont donc susceptibles d’être qualifiés de faux témoignage.
L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose qu’en « cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ».
L’article 434-13 du code pénal prévoit ainsi que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
En votre qualité de président de la Commission d’enquête, je vous demande donc de bien vouloir saisir le parquet de ces témoignages mensongers.
Vous en remerciant par avance, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma respectueuse considération.
Jean-Christophe Picard
Président d’Anticor
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