Le casier judiciaire vierge pour les élections politiques verra-t-il le jour ?
Une proposition de loi ordinaire et une proposition de loi organique ont été adoptées par l’Assemblée nationale, le 1er février 2017. Elles ont pour objet d’ajouter une nouvelle condition d’inéligibilité pour les élections politiques : désormais pour se porter candidat, il sera exigé que le bulletin n° 2 du casier judiciaire soit exempt de condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif.
Selon Fanny Dombre Coste, rapporteure PS de la commission des lois, « aux fondements de la démocratie, la morale et l’honnêteté constituent un socle indispensable à la solidité des régimes représentatifs ».
L’association se félicite de l’adoption de ces textes qui correspondent au premier point du plaidoyer qu’Anticor soutient depuis de nombreuses années.
L’audition d’Anticor
Anticor avait été entendu par les parlementaires le 18 janvier 2017.
Lors de cette audition, Éric Alt, vice-président d’Anticor avait préconisé que la future loi vise toute peine criminelle, plutôt que de procéder à une énumération d’infractions criminelles.
Cette recommandation a été suivie par les parlementaires puisque un amendement, déposé par Mme Dombre Coste, a modifié la proposition de loi afin de viser « Les infractions de nature criminelle » dans leur ensemble.
Le contenu des proposition de lois
Comme le rappelle Bruno Le Roux, Ministre de l’Intérieur, « les deux propositions de loi prévoient que les personnes dont le bulletin no 2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif ne puissent faire acte de candidature à aucun mandat électif. La proposition de loi organique organise ce régime pour l’élection des députés et des sénateurs, ainsi que pour les candidats à l’élection présidentielle. La proposition de loi ordinaire, quant à elle, adapte ce dispositif pour les élections locales ».
Le champ d’application du texte comprend toutes les infractions criminelles, les manquements à la probité (trafic d’influence, corruption, prise illégale d’intérêts, etc.). Les fraudes électorale et fiscale sont également incluses.
Si un élu est condamné, en cours de mandat, pour des infractions inscrites dans les deux propositions de lois, il pourra terminer sa mandature mais ne pourra pas se présenter à sa propre succession.
Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle peine d’inéligibilité mais d’un nouveau critère d’éligibilité.
Le juge pourra toujours prononcer une peine d’inéligibilité.
D’autre part, la réhabilitation légale et donc l’effacement des inscriptions portées au bulletin numéro 2 du casier judiciaire continue d’opérer.
Enfin, comme le souligne Alain Tourret, député PRG, « les ministres ne sont pas soumis aux obligations de présenter un casier judiciaire vierge» .
La navette parlementaire
Les deux propositions de lois, organique et ordinaire, ont été adoptées par l’Assemblée Nationale
Toutefois, l’adoption définitive d’un texte implique son vote dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et par le Sénat au terme d’un mouvement de va-et-vient du texte en discussion entre les assemblées, communément appelé « navette ».
L’accord du Sénat est donc nécessaire pour l’adoption définitive des deux textes de lois, qui ne sont actuellement pas inscrits à l’ordre du jour de la chambre haute du Parlement.
Les travaux du Parlement seront suspendus le 25 février pour cause de campagnes électorales (présidentielle puis législatives).
Selon Fanny Dombre de Coste, « on n’a plus le temps de [les] faire voter avant les élections présidentielles et législatives ». Et la députée ajoute « dans tous les cas, on ne peut pas changer les règles d’une élection six mois avant sa tenue. Les élections législatives de juin ne seront donc pas concernées par notre texte ».
Les deux propositions de loi ne seront donc pas adoptées à court terme. Dès lors, deux scénarios sont envisageables :
- soit le Sénat vote, en termes identiques les deux propositions de lois, celles-ci seront alors définitivement adoptées.
- soit le Sénat apporte des modifications aux deux propositions de lois, celle-ci seront alors soumises à nouveau vote de l’Assemblée, composée d’une nouvelle majorité issue des élections législatives à venir.
L’avenir de ces deux textes de lois étant incertain, Anticor appelle les citoyens à rester vigilants et les invite à signer sa Charte éthique pour l’élection présidentielle 2017 qui contient la proposition n° 1 suivante : « instaurer comme condition d’éligibilité à toutes les élections l’absence de condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ».