Chargés de mission de l’Élysée : Anticor saisit la HATVP
L’affaire Benalla a révélé au grand public l’existence de chargés de mission affectés au cabinet du Président de la République. Ces derniers n’ayant pas transmis leur déclaration de patrimoine et leur déclaration d’intérêts, Anticor a saisi la HATVP.
L’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que « les collaborateurs du Président de la République » adressent « au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts […] dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions. »
L’article 20 fixe la sanction en cas de manquement : « Le fait, pour une personne mentionnée aux articles 4 ou 11 de la présente loi, de ne pas déposer l’une des déclarations prévues à ces mêmes articles […] est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code. »
L’article 20 ajoute que « lorsqu’il est constaté qu’une personne mentionnée aux articles 4 et 11 ne respecte pas ses obligations prévues aux articles 1er, 2, 4, 11 et 23, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut se saisir d’office ou être saisie par le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat. Elle peut également être saisie, dans les mêmes conditions, par les associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, qu’elle a préalablement agréées en application de critères objectifs définis par son règlement intérieur. »
Dans ce cadre, Anticor a été agréée par la HATVP, le 27 janvier 2016, à l’issue de la procédure prévue à l’article 42 de votre règlement intérieur.
En application de cette disposition, Anticor a saisi la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de plusieurs cas de violation de l’article 11.
En effet, l’affaire Benalla a révélé au grand public l’existence de chargés de mission qui, bien qu’affectés au cabinet du Président de la République, ne figuraient pas dans l’arrêté du 18 septembre 2017 relatif à la composition du cabinet du Président de la République. Le directeur de cabinet, Patrick Strzoda, a annoncé, le 24 juillet 2018, lors de son audition devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, qu’ils étaient « une dizaine ». Le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, a déclaré, le 26 juillet 2018, lors de son audition devant la commission d’enquête du Sénat, qu’ils étaient huit, dont deux pour lesquels il ne sait pas s’ils doivent transmettre leurs déclarations à la HATVP « au regard de la définition d’un collaborateur du président de la République ». Dans ce contexte nébuleux, le secrétaire général de l’Élysée a néanmoins clairement reconnu que ces chargés de mission n’avaient pas respecté les obligations figurant à l’article 11.
Il est important de noter que Mediapart a révélé l’identité de plusieurs de ces chargés de mission, le 25 juillet 2018. Ainsi, outre Alexandre Benalla, on apprend que ces fonctions ont été attribuées à Tristan Bromet, Sophie Walon, Vincent Caure, Raphaël Coulhon, Hugo Vergès et Ludovic Chaker. Il manque donc au moins un nom…
Il est incontestable que ces chargés de mission sont, en réalité, des collaborateurs du Président de la République, soumis aux mêmes obligations que ces derniers. Les débats parlementaires sont clairs sur ce sujet. La HATVP a elle-même déploré l’existence de ces « conseillers officieux », dans son rapport d’activité 2016.
Au vu de ces éléments, Anticor demande à la HATVP :
1/ de solliciter du secrétaire général de l’Élysée la liste exhaustive et les contrats de travail des chargés de mission affectés au cabinet du Président de la République, en application de l’article 20 qui permet à la HATVP d’« entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile ».
2/ d’adresser à chaque chargé de mission ainsi identifié une injonction de transmettre ses déclarations, en application de l’article 4 qui dispose que « lorsque son président n’a pas reçu les déclarations de situation patrimoniale ou d’intérêts dans les délais prévus […], la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce qu’elles lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’injonction. »
3/ de saisir le parquet de tous ces cas de violation de l’article 11 (l’infraction étant constituée même en cas de régularisation ultérieure), en application de l’article 40 du code de procédure pénale qui dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République. »