Attaque ministérielle contre le parquet national financier : Anticor saisit le Conseil d’État.
Le 1er juillet 2020, Mme BELLOUBET, Ministre de la justice a demandé à l’Inspection générale de la justice de lui remettre un rapport sur une enquête préliminaire menée par le Parquet national financier (PNF). Cette enquête avait notamment pour objectif d'identifier la taupe qui informait Nicolas Sarkozy et son avocat d'une procédure les concernant. A cette fin, le PNF avait examiné les relevés d'appel (« fadettes ») de certains avocats et magistrats.
M. Dupond-Moretti, alors avocat, avait porté plainte contre le PNF au motif que certains relevés d’appel le concernaient. Devenu ministre de la justice, il a retiré sa plainte. Cependant, le conflit d’intérêts subsiste : destinataire des résultats de l’inspection qui lui est subordonnée, il est aussi concerné par son objet. Cette situation caractérise une atteinte manifeste à l’éthique en politique.
Par ailleurs, compte-tenu d’une part du principe de la séparation des pouvoirs qui est le fondement même d’une démocratie et d’autre part de l’indépendance de la justice, Anticor estime que cette décision est illégale et doit être annulée.
L’État de droit exige l’existence de trois pouvoirs équilibrés, impliquant une justice indépendante et dotée d’autorité. Sans cet équilibre, les droits des citoyens ne peuvent plus être garantis.
L’association rappelle également dans sa requête que le Conseil constitutionnel a jugé que « la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet ». Le Conseil d’État a lui-même jugé que l’inspection générale de la justice devait respecter l’indépendance de l’autorité judiciaire et que cette autorité comprend également les magistrats du parquet.
Or, l’enquête qui sera mise en œuvre bafoue cette indépendance car elle ne porte pas sur une question générale mais sur une procédure, qui plus est sur une procédure en cours, et ce faisant, s’immisce dans des choix procéduraux dont seule la justice a la maîtrise.
Enfin, le code de procédure pénale interdit au ministre de la justice d’intervenir dans les affaires individuelles. Il serait paradoxal de considérer que faute de pouvoir intervenir directement, le ministre peut encore intervenir indirectement par le biais d’une inspection.
Anticor s’en remet donc au Conseil d’État pour faire respecter le principe de séparation des pouvoirs, inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Le 17 août 2020, le Conseil d’État a opposé une fin de non-recevoir au référé-liberté d’Anticor, sans trancher la question de la légalité de l’inspection. Selon la juridiction suprême, Anticor n’a pas, au vu de ses statuts, la légitimité “pour demander la suspension de l’inspection demandée par la garde des Sceaux”.