Rompre le lien entre le ministre de la Justice et les procureurs.
La France, en comparaison des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, a le plus faible nombre de procureurs : 2,9 pour 100 000 habitants, contre 6,7 en Allemagne et une médiane européenne de 11. Elle a aussi faible nombre de juges (10 pour 100 000 habitants, contre 24 en Allemagne et une médiane de 18). Et elle a aussi un budget relativement faible alloué au système judiciaire : 65€ par habitant, contre 122€ en Allemagne et une médiane européenne de 53€.
La justice économique n’est pas mieux lotie. En 2019, la Cour des comptes constatait une saturation des services et un délai moyen de six ans pour le traitement d’une affaire complexe. Elle aurait pu citer également l’affaire de la chaufferie de la Défense : ce dossier de corruption et de trafic d’influence qui démarre au début des années 2000 devait être jugé en 2021, en l’absence du maire de Puteaux, principal mis en examen, décédé. Le tribunal a décidé d’annuler la procédure pour délai déraisonnable. Ou l’affaire des achats de vote par Serge Dassault à Corbeil-Essonnes entre 2008 et 2012. Ou l’affaire de Karachi, autour de la campagne présidentielle de 1995, dont seul le volet non-ministériel a été jugé en 2020 et le volet ministériel en 2021, plus de vingt-cinq ans après les faits.
Le faible nombre de condamnations en matière d’atteintes à la probité est en corrélation directe avec la faiblesse des moyens. La création du PNF, qui a permis d’importantes avancées, ne saurait occulter cette situation, non plus que la faiblesse de ses moyens. Les attaques du ministre de la justice, qui n’ont pas contribué à le renforcer. Les effectifs sont actuellement de 18 magistrats. Les enquêteurs spécialisées de l’OCLCIFF sont environ 80. Même si d’autres services peuvent également enquêter en matière financière, le PNF et l’OCLCIFF traitent des affaires le plus importantes, et notamment celles qui concernent la corruption d’agents publics étrangers.
Surtout, cette faiblesse des moyens s’accompagne d’une expression politique hostile au Parquet national financier (PNF). En effet, le ministre de la justice actuellement en exercice a multiplié les attaques contre cette institution. Cette situation s’explique notamment par le caractère anachronique du statut du parquet : Jean-Louis Nadal, alors procureur général de la Cour de cassation, disait : « S’il fallait traduire la situation en langage médical, il faudrait dire que le parquet est maintenant proche d’un état de coma dépassé ».
Cette analyse garde son actualité. Lors de la nomination du Procureur de Paris en 2018, Édouard Philippe a dit qu’il appréciait « un procureur en ligne et à l’aise avec l’exécutif ». Et si seulement 1 % des dossiers faisait l’objet de pressions, cela justifierait le soupçon. La solidité d’une chaîne se mesure à son maillon le plus faible. Et même si ce soupçon n’était pas justifié dans les faits, il le serait encore par l’apparence. Comment une institution liée au gouvernement, même par des liens distendus, pourrait-elle se prévaloir d’une apparence d’impartialité quand il s’agit de traiter des dossiers qui intéressent le pouvoir ? C’est pourquoi Anticor appelle à supprimer tout lien hiérarchique entre les procureurs de la République et le ministère de la Justice et supprimer les remontées d’informations sur les affaires politico-financières.