Abolir les privilèges des fraudeurs
En 2013, la Cour des comptes rappelait, dans un rapport sur les services de l’Etat et la lutte contre la fraude fiscale internationale : « En France, seule l’administration fiscale peut engager des poursuites pénales pour fraude fiscale, seul délit que les parquets ne peuvent poursuivre de façon autonome. Cette situation est aujourd’hui préjudiciable à l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. En effet, malgré la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, les plaintes pour fraude fiscale demeurent peu nombreuses, mal ciblées et tardives. La Cour estime nécessaire d’ouvrir aux parquets le droit de poursuivre, sans dépôt de plainte préalable par l’administration fiscale, certaines fraudes complexes, afin de traiter un plus grand nombre de dossiers, d’intervenir plus rapidement et de mieux assurer le recouvrement des sommes dues. Cette possibilité nouvelle donnée aux parquets, qui compléterait utilement la possibilité de poursuivre les faits de blanchiment de fraude fiscale, serait de nature à améliorer significativement l’efficacité de l’action de l’État au prix de risques limités. »
La même année, de nombreux représentants d’ONG appelaient, dans un article publié par Libération, à faire sauter le verrou de Bercy. Ils concluaient : « Si l’exception culturelle a du bon, en matière de répression de la fraude fiscale le particularisme français est intenable. La Commission des infractions fiscales n’a aucune raison d’être. Les agents du fisc doivent pouvoir alerter le procureur dès qu’ils décèlent des indices laissant supposer une fraude aggravée. En cas de fraude en bande organisée, le juge doit être saisi d’office. Il doit aussi pouvoir enquêter sans l’accord préalable du ministre du Budget sur les faits de fraude qu’il détecte. Enfin, que le contentieux fiscal soit en grande partie géré à Bercy ne saurait dispenser les fraudeurs de la publicité des sanctions. Car dérober à la collectivité ses moyens n’est pas un sport c’est une infraction pénale. À réprimer comme telle. Y compris par la confiscation du patrimoine. »
Une politique globale, cohérente et efficace en matière de fraude fiscale, reste à imaginer, en s’appuyant sur les compétences de de chaque administration (Direction générale des finances publiques, douanes, police, justice) sans les opposer ni les mettre en concurrence.
C’est une condition pour que l’État cesse de brader sa souveraineté en tolérant, de fait, une large impunité fiscale.
C’est aussi une condition pour mettre fin à l’inégalité devant l’impôt, voire à l’arbitraire qui résulte de la situation actuelle. Dans quel autre domaine peut-on échapper à la justice avec l’aval de l’administration ? La fraude fiscale prive chacun des ressources communes nécessaires à la société ; pourquoi devrait-elle être traitée à part, entre initiés, sans aucune transparence ?
Il est plus que temps d’abolir les privilèges des fraudeurs.