Un cadeau de Noël pour les corrupteurs et les corrompus
Le non-renouvellement de l'agrément d'Anticor affecte la crédibilité de la diplomatie française en matière de lutte contre la corruption.
La ministre des affaires étrangères, en charge du dossier de renouvellement de l’agrément d’Anticor depuis le déport de la Première ministre, a opposé un silence qui vaut refus implicite.
Cette décision a été prise au mépris des conditions prévues par le décret relatif à l’agrément des associations anticorruption. En effet, la Première ministre avait soutenu devant la cour administrative d’appel qu’Anticor remplissait toutes les conditions pour le renouvellement de son agrément en avril 2021. Et la ministre des affaires étrangères n’affirme pas que ces conditions ne sont plus remplies en décembre 2023. Rien n’est donc être clairement reproché à l’association.
Plus que jamais, les contre-pouvoirs, pourtant nécessaires à la vie démocratique, sont neutralisés. En faisant obstacle à la lutte contre la corruption, cette décision renforce une culture de l’impunité qu’Anticor combat depuis plus de vingt ans.
Il ne faut pas s’étonner de la défiance croissante envers les institutions de la République. Il ne faut pas s’étonner que les deux tiers de nos concitoyens pensent que la démocratie ne fonctionne pas bien et que la politique suscite avant tout de la méfiance, du dégoût et de l’ennui.
Nous ne pourrons plus nous constituer partie civile. Nous ne porterons plus une parole citoyenne lors des procès. Mais nous résisterons avec toutes les armes du droit : nous saisirons la justice administrative contre ce refus d’agrément. Nous continuerons à signaler des dossiers, mettant le pouvoir au défi de poursuivre des personnalités défaillantes. Nous agirons avec les autres associations de lutte contre la corruption et avec l’appui de milliers de nos concitoyens.
Un enjeu diplomatique
La décision de la ministre des affaires étrangères est aussi dommageable la crédibilité notre pays. En effet, sur son site, le ministère affirme que la lutte contre la corruption est au cœur de la politique étrangère de la France. Ce serait « un engagement sans faille.»
Il soutient que « la corruption affecte la légitimité des institutions et de l’État, mine l’efficacité des politiques publiques ainsi que la confiance des citoyens envers leur gouvernement. »
Il proclame que «la corruption a des effets négatifs sur le développement économique du fait du détournement des richesses, de la confiscation des ressources naturelles ou du découragement des investisseurs.» Dans cette perspective, « la France réaffirme aussi sa volonté de placer la société civile au cœur de son action de lutte contre la corruption. »
Enfin, il fait valoir « l’originalité de l’approche française. »
Paradoxalement, en France, cette originalité va à l’encontre de la société civile. La décision de non-renouvellement de l’agrément n’est donc pas seulement une mauvaise nouvelle pour Anticor. Mettant en évidence le double discours du ministère, elle porte aussi atteinte à la crédibilité de notre action diplomatique en ce domaine.
Pour Anticor, la France ne doit pas sermonner le monde pour appeler à la lutte contre la corruption. Elle doit donner l’exemple et, pour commencer, encourager ceux qui luttent pour le respect de la probité à l’intérieur de ses frontières.