Imbroglio de l’agrément : l’action d’Anticor jugée irrecevable par deux juridictions pénales
Le 14 mai 2024, Anticor a été, par deux décisions rendues par deux juridictions différentes, déclarée irrecevable à se constituer partie civile dans des affaires dans lesquelles elle se trouvait, pourtant, engagée depuis des années. Cela démontre les graves conséquences pour l’association Anticor de la perte d’un agrément anticorruption que le gouvernement refuse de lui rendre.
D’une part, le 14 mai 2024, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé la condamnation d’Hubert Falco pour recel de détournement de fonds publics, et l’a condamné à une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité. M. Falco était poursuivi pour avoir bénéficié notamment de la prise en charge de repas et de frais de pressing par le conseil départemental du Var, alors qu’il n’exerçait aucune fonction officielle pour le compte de cette collectivité. Le préjudice de ces agissements entre 2015 et 2018 a pu être estimé à près de 64 000 euros.
Par le même jugement, Marc Giraud, président du conseil départemental du Var entre 2015 et 2022, a été condamné pour détournement de fonds publics à 12 mois d’emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Anticor était partie civile dans cette affaire depuis 2022, car les agissements imputés aux élus remettaient en cause des valeurs fondamentales de notre pacte républicain : la probité des élus, le bon usage des deniers publics, la protection des lanceurs d’alertes.
Anticor a eu l’occasion, en première instance et en appel, de porter la voix des citoyens en alertant sur les dérives d’un autre temps pour lesquels les « barons » locaux comparaissaient. En questionnant M. Falco tout au long du procès sur les agissements pour lesquels il a finalement été condamné, Anticor a concouru à l’action du ministère public.
C’est là tout l’intérêt de la présence d’Anticor aux audiences.
Toutefois, la Cour d’appel a infirmé la décision du Tribunal Judiciaire qui avait déclaré recevable la constitution de partie civile d’Anticor, en raison de l’annulation de son agrément du 2 avril 2021 par le tribunal administratif de Paris en juin 2023.
D’autre part, et le même jour, le tribunal de Digne-Les-Bains a condamné pour prise illégale d’intérêts Daniel Rolland, ancien maire de Curbans, à 50 000 euros d’amende, pour avoir fait réviser le plan local d’urbanisme de sa commune afin de déclarer constructibles des terrains lui appartenant. La valeur des parcelles aurait été multipliée par 30, engendrant plus d’un million d’euros de profit.
La condamnation de l’édile ne serait pas intervenue sans Anticor, qui avait alerté sur ces faits dès 2012 et avait été à l’origine de la mise en mouvement de l’action publique.
Après avoir étroitement suivi l’enquête puis l’instruction durant 12 ans, Anticor s’était rendue, en février dernier, au procès qui s’était tenu Digne-les-Bains et y avait interrogé M. Rolland sur les faits pour lesquels il était renvoyé.
Pourtant, trois mois après l’audience, les juges du tribunal judicaire de Digne-Les-Bains ont déclaré la constitution de partie civile d’Anticor irrecevable, faute là encore d’agrément.
Anticor rappelle que l’annulation de son agrément du 2 avril 2021 par le tribunal administratif de Paris est intervenue en raison des erreurs commises par l’ancien Premier ministre Jean Castex dans la rédaction de cet agrément. Depuis, le gouvernement refuse par ses silences de rendre son agrément à Anticor, alors qu’il est incontestable – et incontesté – que l’association possède les cinq conditions requises pour bénéficier de cet agrément.
Ces deux délibérés illustrent les graves conséquences rétroactives de l’annulation de l’agrément du 2 avril 2021, qui se trouvent encore accentuées par le refus du gouvernement de répondre aux deux dernières demandes d’agrément d’Anticor formées en juin 2023 et en janvier 2024.
Anticor est une association qui ne perçoit aucune subvention publique et aucun don émanant d’entreprises. L’action d’Anticor repose uniquement sur l’engagement et le soutien de ses adhérents. La dénonciation, par Anticor, de telles affaires et sa participation à des procès a un coût. Les décisions d’irrecevabilité rendues en fin de course par les tribunaux privent l’association Anticor de la possibilité de recevoir des dommages et intérêts ou de se faire rembourser ses frais d’avocats.
Si ces décisions ne remettent pas en cause l’engagement d’Anticor dans la lutte contre les infractions à la probité, elles fragilisent indiscutablement l’association et mettent à mal sa faculté à agir en justice contre décideurs publics qui ne respecteraient pas la loi.
Malgré cette nouvelle menace, Anticor est résolue à continuer, tant que ses moyens le lui permettront, à lutter contre les atteintes à la probité publique susceptible d’impliquer certains décideurs publics.
Illustration : PhoDRAWgraphy (@saiisaii)