Anticor à Grenoble : « Sans juge pour contrôler la loyauté des élections, aucun élu ne serait vraiment légitime »
Le Centre de recherches juridiques (CRJ), la faculté de droit de Grenoble et l’Observatoire de l’éthique publique ont organisé une journée d’études sur le droit pénal électoral, avec notamment la participation d’Éric Alt, vice-président d’Anticor.
Le Centre de recherches juridiques (CRJ), la faculté de droit de Grenoble et l’Observatoire de l’éthique publique ont organisé une journée d’études sur le droit pénal électoral, avec notamment la participation de nombreux universitaires ainsi que d’Éliane Houlette, procureure de la République financier, Jean-Luc Blachon, premier vice-procureur financier, Elsa Foucraut, responsable du plaidoyer à Transparency International et Éric Alt, vice-président d’Anticor.
Les échanges étaient proposés par Romain Rambaud, auteur du droit des campagnes électorales, (LGDJ, « Systèmes », 2016) et fondateur du blog des campagnes électorales. Ils feront l’objet d’une publication.
La question s’est posée de la légitimité du juge face à des personnalités qui tiennent leur légitimité du suffrage. D’abord, sans juge pour contrôler la loyauté des élections, aucun élu ne pourrait revendiquer cette légitimité. Surtout, la judiciarisation de la vie publique peut être une manière de compenser les défaillances de la responsabilité politique : « le jugement est une forme d’action publique, une modalité d’expression de l’intérêt général sur un cas particulier. La responsabilité politique a été historiquement un mécanisme de régulation se substituant à la responsabilité judiciaire. Aujourd’hui, face à la quasi impossibilité de mettre en cause toute responsabilité politique, la responsabilité judiciaire redeviendrait une manière d’engager la responsabilité des dirigeants. » (Pierre Rosanvallon).
La légitimité du Garde des sceaux à contrôler les procureurs doit aussi être questionnée. Certes, le procureur dispose du pouvoir d’apprécier l’opportunité de poursuivre les auteurs d’infractions. Cela justifie sont rattachement au ministère de la justice et son intégration dans un système hiérarchique, car seul le gouvernement est politiquement responsable de la politique judiciaire devant le Parlement. Mais jamais aucun gouvernement n’a vu sa responsabilité mise en cause du fait de l’action des procureurs. Cette théorie est aujourd’hui archaïque.
Elle doit être d’autant plus remise en cause que l’action des procureurs, du fait de cette dépendance, peut créer un soupçon. Personne ne conteste le fait qu’une enquête puisse être menée pendant une campagne électorale. La procureure financière, qui participait aux débats, rappelle les questions qui s’étaient posées concernant la situation de François Fillon avant l’ouverture de l’enquête préliminaire
En revanche, l’initiative du procureur de Paris, qui a pris l’initiative de mettre en œuvre de grands moyens pour enquêter sur la France insoumise, pose question. Sans doute faudrait-il poser la règle que les enquêtes sur les partis politiques soient menées par un juge d’instruction. Sinon, le déséquilibre est grand en faveur du pouvoir en place. Il peut, quand procureurs et officiers de police judiciaire dépendent de lui seul, accaparer facilement les informations d’un parti d’opposition.
Certains questionnent aussi la légitimité de l’action des associations agréées qui peuvent se constituer partie civile en cas d’infraction aux articles L106 à L109 du code électoral. Éric Alt rappelle que dans l’affaire des sondages de l’Élysée, seule l’action associative a permis l’ouverture d’une information. L’action associative n’entraîne pas une fragmentation de l’action publique au profit de procureurs privés. Elle trouve sa légitimité dans la volonté d’assurer une application de la loi égale pour tous, quand la volonté de certains procureurs peut être bridée par leur position statutaire dans l’appareil d’État.