Anticor rappelle quelques vérités sur l’affaire des fraudes agricoles en Corse
Anticor répond aux allégations mensongères proférées par la Préfète de Corse et le Procureur de la République d’Ajaccio sur l’affaire des fraudes aux subventions européennes.
Corse-Matin a publié dans son édition du 6 février 2019 un article : « Fraudes agricoles : l’enquête sera bouclée dans un temps court ».
L’article relatait la conférence de presse commune de la préfète de Corse et du procureur de la République d’Ajaccio. À cette occasion, ils ont évoqué l’enquête sur le détournement des subventions européennes opéré par des agriculteurs et notamment le cas de quatre exploitations appartenant aux membres de la même famille.
Pour la préfète : « Ce n’est pas la plainte d’Anticor qui a fait que tout cela s’est mis en place. Anticor, ne devait certainement pas savoir qu’il y a un procureur à Ajaccio ! (…)
« Ils sont arrivés après nous, avec des accusations qui sont par ailleurs, pour certaines totalement fausses, comme celle qui prétendait que le jardin de la préfecture de Haute-Corse avait été déclaré en surface agricole… (…)
« Nos services sont très bien articulés avec le niveau national. La plainte d’Anticor, basée sur une lettre anonyme, nous fait juste perdre un peu plus de temps et vient jeter un peu plus de discrédit sur l’ensemble d’une profession. Tout en faisant croire que les services de l’État ne font pas leur travail. Alors qu’en réalité toute l’action vient du Codaf. »
Pour le procureur, le parquet national financier (PNF) a transféré la plainte au parquet d’Ajaccio : « C’est peut-être bien de dire haut et fort, comme l’a fait Anticor, que l’État ne fait rien en Corse, mais encore faut-il le prouver. » »
Anticor, association agréée par le Ministre de la Justice, s’étonne de la violence des propos tenus et entend apporter des éléments de faits en réponse aux allégations mensongères de ces deux autorités.
1/ L’enquête sur les détournements de subventions européennes a été initiée par l’Office de lutte anti-fraude de l’Union européenne (OLAF), le 25 avril 2017, et le rapport a été remis le 21 juin 2018, soit bien avant l’intervention du parquet d’Ajaccio.
2/ C’est Anticor et des lanceurs d’alerte qui avaient saisi l’OLAF, comme l’indique le rapport, et non le Parquet d’Ajaccio ou la Préfecture.
3/ La plainte d’Anticor se base sur le rapport de l’OLAF et non sur une lettre anonyme.
4/ C’est parce que l’OLAF s’est saisi de ce dossier largement connu des autorités de l’État qui ne faisaient rien depuis des années que le parquet d’Ajaccio a ouvert une enquête préliminaire.
5/ Le rapport de l’OLAF concluait que « les services de l’Etat ont tardé à prendre les mesures correctrices qui s’imposaient, dès lors que l’usurpation des terrains était avérée ». Anticor a donc indiqué dans sa plainte que les détournements de fonds ont pu être commis avec la complicité des autorités de contrôle. Ainsi la saisine du PNF avait aussi pour objet de permettre les investigations les plus larges possibles, non seulement sur les bénéficiaires des subventions mais surtout sur les complicités éventuellement commises par les services de contrôle de l’Etat.
6/ Il convient de rappeler que, suite à la décision de la Commission européenne du 16 janvier 2015, la France a dû rembourser à l’Union européenne 1,08 milliard d’euros d’aides agricoles qu’elle a indûment perçues, entre 2008 et 2012. Si les dysfonctionnements reprochés à la France étaient généralisés sur tout le territoire national, la Commission relevait des pratiques spécifiques à la Haute-Corse comme « l’acceptation quasi systématique de surfaces inéligibles » conduisant à « un manquement complet aux règles de l’Union » ayant engendré le versement de 27 millions d’euros d’aides indues. Au final, la Commission regrettait un « problème systémique d’interprétation des règles d’éligibilité des surfaces » dans ce territoire. Suite à ce coûteux précédent, il est étonnant que l’État continue à être dans le déni.
7/ Si Anticor a saisi le PNF, ce n’est pas parce qu’elle ignore le parquet d’Ajaccio, mais parce que les questions complexes qui sont posées par cette enquête relèvent de la compétence de parquets spécialisés comme le PNF. De plus, dans cette conférence de presse, le procureur s’est affiché aux côtés de la représentante de l’Etat, dont les services ont largement dysfonctionné et sur lesquels l’enquête doit aussi porter. Cela justifie, a posteriori, l’initiative qu’avait prise Anticor de saisir le PNF. C’est pourquoi il serait souhaitable que ce dossier soit confié à un juge d’instruction. Ayant affiché sa connivence avec une partie qui pourrait être concernée par l’enquête, le procureur a perdu l’apparence d’impartialité nécessaire à une bonne administration de la justice.