Affaire ARGELIERS
Argeliers est une commune de l’Aude de 2 000 habitants.
Comme beaucoup de collectivités, la commune a recours à des contrats de location de photocopieurs auprès de fournisseurs, qui assurent en contrepartie la maintenance des appareils.
Or, des irrégularités auraient été observées dans les différents contrats entre la mairie et ses prestataires.
Depuis 2016, la commune a successivement passé et résilié des contrats avec différentes entreprises :
- En décembre 2016, la ville d’Argeliers a résilié un contrat avec la société Ixeo SA pour la location et la maintenance de photocopieurs, entraînant le versement d’une indemnité de 103 491,96 euros.
- À la suite de cette résiliation, un nouveau contrat était signé avec la société Rex Rotary pour 202 911 euros, à son tour résilié en 2019, contraignant la commune à verser une indemnité de 131 795,54 euros à ladite société.
- Enfin, un contrat était signé, cette fois avec la société DIGIT INNOVATION en 2019, prolongé en 2021, pour un montant total du contrat de 435 600 euros.
D’une part, cette succession de contrats interroge car les indemnités de résiliation représentent un coût important pour les finances de la commune.
D’autre part, les différents marchés publics semblent avoir été attribués au mépris des règles de passation de la commande publique.
En effet, en octobre 2021, le sous-préfet de Narbonne a indiqué que la prolongation et modification du contrat conclu par la commune avec DIGIT INNOVATION enfreignait les règles de passation de commande publique.
En mai 2023, un rapport de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie a confirmé des dysfonctionnements financiers, indiquant que la mairie aurait conclu des contrats sans consultation ni publicité. Cela est contraire aux règles de la commande publique.
En trois ans, le budget de la commune d’Argeliers pour la location et la maintenance de photocopieuses a presque quadruplé, passant de 25 000 euros par an en 2012-2013 à une moyenne de 90 000 euros entre 2015 et 2021. À titre de comparaison, la Chambre régionale des comptes estime qu’une commune de taille similaire devrait allouer environ 11 000 euros par an pour ces services.
Entre 2016 et 2021, la petite commune d’Argeliers aurait donc dépensé 451 000 euros pour la location et l’entretien de ses photocopieurs.
Ces faits, s’ils sont avérés, pourraient être constitutifs des délits de favoritisme et de détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire : Le 14 septembre 2021, le groupe local d’Anticor de l’Aude, Anticor 11, a déposé un signalement pour alerter sur ces faits.
Par une décision du 4 février 2022, le parquet de Narbonne a classé ce signalement, considérant que les infractions n’étaient pas suffisamment caractérisées.
Or, entre temps la violation des règles de la commande publique a été également relevée par le sous-préfet de Narbonne et par la Chambre régionale des comptes qui a conclut, au demeurant, que « l’irrégularité est susceptible d’être qualifiée au plan pénal ».
Anticor a donc à nouveau saisi le procureur de Narbonne par une plainte déposée le 15 avril 2024, qui vise notamment le rapport de la CRC.
Fondement de l’action juridique d’Anticor : favoritisme et détournement de fonds publics
Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Si les faits sont avérés, ils pourraient constituer une violation grave des règles de la commande publique, compromettant à la fois la liberté d’accès et l’égalité de traitement des candidats. De telles pratiques découragent les entreprises de participer à la commande publique et constituent des obstacles à l’usage efficace des deniers publics, au service de l’intérêt général, qui érodent la confiance des citoyens en leurs représentants.
Ces faits pourraient également constituer un gaspillage des ressources financières d’une petite commune.
Anticor demande que toute la lumière soit faite sur cette relation commerciale préoccupante entre la commune et ces sociétés privées, alors même que des alternatives équivalentes sont proposées par d’autres entreprises.