Affaire FRANCE PIERRE / ALAIN GARDERE

Une tentaculaire affaire de corruption impliquerait un ancien préfet, M. Alain Gardère, l’entreprise de bâtiment France Pierre 2, dirigée par l’entrepreneur M. Antonio De Sousa, ainsi que des élus locaux.

M. Alain Gardère, ancien préfet et ancien commissaire de police, pourrait avoir, dans le cadre de ses fonctions de préfet délégué à la sécurité des aéroports de Roissy et du Bourget, puis de directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, reçu d’entrepreneurs, à de très nombreuses reprises, des cadeaux pour effectuer des actes relevant de ses fonctions.

Le haut fonctionnaire se serait notamment fait offrir des voyages, des appartements à prix réduits, des travaux, des accès à des ventes privées, la prise en charge de ses frais de transport, des repas dans des restaurants de luxe, un accès illimité et gratuit à un cabaret ou encore un smartphone. 

Ces cadeaux auraient conduit l’ancien préfet à prendre des décisions aux dépens de l’intérêt général, voire de la sécurité publique.

A cet égard, à la suite des attentats de 2015 visant « Charlie Hebdo » et du placement de la rédaction de l’hebdomadaire sous protection du ministère de l’intérieur, M. Alain Gardère aurait fait en sorte qu’intervienne une société de sécurité privée appartenant à l’une de ses connaissances. Or, cette société ne disposait pas de l’accréditation nécessaire pour que ses agents de sécurité portent des armes, alors que cela était exigé par le contrat. M. Gardère aurait alors autorisé les agents de la société à porter des armes, sans accréditation.

Certains des cadeaux reçus par le haut fonctionnaire proviendraient de M. Antonio De Sousa, dirigeant de la société de bâtiment France Pierre 2.

Au demeurant, l’information judiciaire a mis en lumière que la société de bâtiment pourrait avoir offert à de nombreux élus locaux et fonctionnaires de communes franciliennes (Vigneux, Mennecy, Ozoir-la-Verrière, Saint-Thibault-des-Vignes, Bussy-Saint-Georges) des travaux immobiliers à très faible coûts ou à titre gracieux, des logements à prix avantageux, des voyages ou des voitures.

En contrepartie, l’entreprise de bâtiment aurait bénéficié de modifications de plans locaux d’urbanisme – des terrains inconstructibles ou en zone inondable, achetés à moindre coût, auraient été rendus constructibles. Elle se serait également vue accorder diverses autorisations et permis de construire et aurait obtenu des informations privilégiées lui permettant de mener à bien ses projets immobiliers.

Pour entretenir ce système opaque, M. De Sousa aurait exercé de fortes pressions sur ses sous-traitants, étroitement dépendants de son entreprise.

La procédure judiciaire :

En 2015, à la suite de la convergence de plusieurs enquêtes, une instruction était ouverte.

Le 13 avril 2016, M. de Sousa a été mis en examen, placé en détention provisoire puis placé sous contrôle judiciaire.

L’ancien préfet Gardère, a également été mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire, tout comme plusieurs maires ou anciens maires du Val-de-Marne et de l’Essonne.

Anticor s’est constituée partie civile le 17 mai 2018 dans le cadre de l’instruction.

13 personnes physiques et 2 personnes morales ont été renvoyées devant le Tribunal, pour répondre de ces faits.

L’audience s’est tenue du 13 mai au 6 juin 2024 au Tribunal judiciaire de Paris.

Le parquet a requis 4 ans de prison dont 2 avec sursis probatoire et 450 000 euros d’amende contre l’ancien préfet Alain Gardère, et 6 ans de prison contre Antonio de Sousa. Des peines d’inéligibilité immédiate ont également été réclamées contre plusieurs maires.

Le délibéré FrancePierre a été rendu e 24 octobre 2024.

L’ancien préfet, Alain Gardère, a été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis et 250 000 euros d’amende. Le maire d’Ozoir-la-Ferrière a été condamné à une peine de 4 ans de prison, dont 2 ans avec sursis, une amende de 375 000 euros ainsi qu’une interdiction de droits civiques pendant 5 ans. Le maire de Saint-Thibault-des-Vignes a été condamné à 3 ans de prison, dont 2 ans avec sursis, 200 000 euros d’amende ainsi qu’une interdiction de droits civiques pendant 5 ans.

L’association Anticor salue le fait que le Tribunal ait assorti les peines d’inéligibilité de l’exécution provisoire. Cela implique que, même en cas d’appel, les élus en poste devront quitter leur mandat, ce qui est une bonne chose pour la démocratie.

L’entrepreneur Antonio De Sousa a été condamné à 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, à une amende de 2 millions d’euros, ainsi qu’à une interdiction de toute activité dans le BTP pour une durée de 5 ans.

Enfin, le tribunal a jugé la constitution de partie civile de l’association Anticor recevable. En se constituant partie civile dans les affaires politico-financières, l’association vient rappeler à l’audience que tous les citoyens sont victimes de la corruption. 

Fondement de l’action juridique d’Anticor :

  • corruption passive
  • corruption active
  • prise illégale d’intérêts
  • favoritisme

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ?

S’ils sont avérés, les faits revêtent une particulière gravité, par leur récurrence, l’étendue du réseau mis à jour, le nombre et la qualité des acteurs publics renvoyés devant le Tribunal.

Il est inacceptable qu’un préfet, incarnation au local de l’Etat, utilise la puissance étatique dont il est dépositaire sur le territoire pour favoriser son intérêt personnel, contre l’intérêt général.

Il n’est pas davantage acceptable que des agents publics et des élus locaux acceptent de favoriser des entreprises en échange de cadeaux.

La facilité avec laquelle les entrepreneurs auraient corrompu quelques élus et les fonctionnaires dans cette affaire interroge, en outre, sur l’effectivité des mécanismes de contrôle et sur la collégialité de certaines décisions locales.

Des faits d’une telle ampleur sont de nature à éroder durablement la confiance que portent les citoyens en leurs institutions.

Ils mettent en avant l’importance des associations comme Anticor pour porter la voix des citoyens dans les prétoires.

© Photo Boris Horvat / AFP

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