Affaire GRAND-FORT-PHILIPPE

Pour lutter contre les déserts médicaux sur son territoire, le département du Nord (59) a décidé de se doter de centres de santé.

En mars 2015, le conseil municipal de Grand-Fort-Philippe a approuvé un projet de construction d’un centre de santé destiné à attirer de nouveaux professionnels du milieu médical.

Le 10 octobre 2017, le fonctionnement de cette maison médicale a été voté en conseil municipal avec les modalités suivantes : la mise à disposition de locaux pour les professionnels de santé en échange d’un loyer, les locataires devant prendre en charge les salaires du personnel d’accueil, du secrétariat et de l’entretien.

Le 6 novembre 2017, la maison médicale a ouvert ses portes, occupée par des médecins libéraux qui exerçaient déjà sur la commune dans un cabinet privé.

En parallèle, la commune a recruté, pour le centre médical, deux assistantes administratives en qualité d’agents territoriaux, s’avérant être les anciennes secrétaires des médecins locataires lorsque ceux-ci exerçaient au sein de leur cabinet.

Or, un agent public ne peut être recruté pour effectuer une activité privée. Ici, la commune de Grand-Fort-Philippe aurait pris en charge leurs rémunérations avec des fonds publics, alors que les secrétaires travaillaient pour le compte de médecins libéraux. Ce sont donc ces derniers qui auraient dû prendre en charge les salaires des secrétaires.

En décembre 2017, la sous-préfecture de Dunkerque a enjoint à la commune de retirer la délibération actant le recrutement des deux agents pour irrégularités.

Le 13 mars 2018, le conseil municipal est revenu sur la délibération.

Néanmoins, il semblerait que la commune de Grand-Fort-Philippe ait continué à supporter les salaires de deux collaboratrices, à l’insu du conseil municipal, jusqu’en octobre 2018.

Le coût pour la ville, souffrant par ailleurs d’importantes difficultés financières, serait estimé à 38 285,51€.

La procédure judiciaire : Le 29 novembre 2018, Anticor a déposé plainte auprès du procureur de la République de Dunkerque.

Une enquête a été ouverte en 2019.

L’association Anticor s’est constituée partie civile le 21 avril 2022.

Le 1er novembre 2022, le maire de la commune de Grand Fort Philippe était condamné pour détournement de fonds publics à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.

À la suite de sa condamnation en première instance, le prévenu a interjeté appel.

Un procès s’est tenu le 10 juin 2024 devant la cour d’appel de Douai.

Le 23 septembre 2024, le maire de Grand-Fort-Philippe a été condamné en appel à 6 mois de prison avec sursis et 2 ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics.

Fondements de l’action juridique d’Anticor : détournement de fonds publics

Pourquoi Anticor a-t-elle décidé d’agir dans cette affaire ? Ces dix dernières années, plus de 80 départements ont vu le nombre de médecins sur leur territoire diminuer. Cette diminution suscite de nouveaux besoins mais aussi une forme de concurrence entre collectivités territoriales pour l’apport en professionnels de santé qui mène parfois à des dérives.

Le contrôle de légalité vise normalement à déceler et empêcher ces excès : les préfets sont chargés de vérifier la conformité de certains actes pris par les collectivités territoriales.

Bien que qualifié de « passoire à géométrie variable » par un rapport sénatorial de 2012, dans cette affaire un contrôle a été réalisé par la sous-préfecture de Dunkerque.

Toutefois, si le conseil municipal est revenu sur la délibération portant sur la création des deux postes d’agents territoriaux, le maire est allé à l’encontre de cette décision en continuant à faire supporter les salaires des secrétaires médicales par la commune.
Les irrégularités dans les marchés et les recrutements publics coûtent plus de 5 milliards d’euros par an au budget de l’État.

Pour permettre un contrôle accru de la légalité des actes des collectivités territoriales, Anticor propose que leur contrôle soit confié à une autorité départementale indépendante chargée en plus de vérifier l’application effective de ses décisions.

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