Affaire ALSTOM
À la suite d’une enquête du Département de justice américain visant Alstom, Patrick Kron, président directeur général, avait décidé, le 22 décembre 2014, de plaider coupable au nom de la société pour des faits de corruption. Alstom avait alors versé une indemnisation de l’ordre de 772 millions de dollars, fragilisant les finances du groupe.
Pour éviter que la société Alstom ne soit obligée de céder sa branche énergie (70 % de l’activité du groupe) pour un montant d’environ 12 milliards d’euros à Général Electric (GE), le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, avait mis en place des mesures de sauvegarde. Il avait notamment obtenu que la société Bouygues prête à l’État les 20 % du capital d’Alstom qu’elle détenait, avec une option d’achat jusqu’à fin 2017 à un prix ferme et fixe de l’action. Mais le dispositif de sauvegarde n’a pas été actionné. Patrick Kron a laissé Général Electric prendre le contrôle de toute la filière énergie d’Alstom, notamment celle qui intervient dans le nucléaire.
Deux questions essentielles se posent :
1/ Si la personne morale Alstom a, par un plaider-coupable, reconnu des faits de corruption qui se sont pérennisés pendant de longues années et si un lampiste a fait un long séjour dans une prison américaine, les personnes physiques coupables de la corruption n’ont pas été poursuivies, ni en France ni ailleurs. Lorsqu’une personne morale est responsable de corruption, les auteurs de ces actes sont nécessairement des personnes physiques. Or, les actes de corruption dans cette affaire ne sont pas contestés. Ils sont même abondamment commentés dans le protocole avec le Département de justice américain du 22 décembre 2014, dans le rapport parlementaire du 19 avril 2018 et dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mai 2019.
2/ La convention entre l’État et Bouygues portant sur le prêt d’action était une bonne affaire pour les finances publiques. Mais lorsque la fusion entre Alstom et Siemens est annoncée, l’État s’est abstenu de lever l’option d’achat dont il disposait, jusqu’au 17 octobre 2017.
La justice doit enquêter pour savoir par qui et pourquoi un tel choix a été mis en œuvre. Si l’on prend en compte les dividendes et la plus-value perdus, ce sont 500 millions d’euros que l’État a perdu consciemment au profit de la société Bouygues. Un tel agissement aussi contraire à l’intérêt général des finances publiques peut être qualifié de détournement de fonds publics.
La procédure judiciaire :
Anticor avait déposé une première plainte en avril 2018 que le parquet a décidé de classer.
Anticor a déposé, le 22 juillet 2019, une nouvelle une plainte visant d’autres faits, susceptibles d’être qualifiés de corruption et détournement de fonds publics. En l’absence de réponse du parquet, Anticor s’est constituée partie civile sur les faits de corruption.
Le 23 mars 2022, une information judiciaire a été ouverte pour corruption d’agent public étranger et recel.
Le 19 juillet 2022, Anticor a été auditionnée en tant que partie civile.
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